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  • christophe Garro

La vie d'avant. Chapitre X :

Une soirée avec Vincent.


Les lumières sont assourdissantes, tout tourne autour de moi, et résonne dans ma tête enivrée. La musique est strobroscopique, martelant mon crâne, et faisant plisser mes yeux. J’avance dans des effluves de nitrite d’Amyle à travers la foule de torses suintants, à la recherche d’un Vincent perdu dans les méandres d’un labyrinthe rougeâtre.


–Allo ?

–Hey, salut Josh, ça va ?

–Salut Vincent, nickel. Alors on se voir ce soir ?

–Et comment ! Toujours ok pour venir avec moi à la soirée ?

–Pour sûr !

–T’es certain ? Tu vas pas flipper ?

–Eh ça va, J’suis open comme pote non ?

–Oui, et c’est cool.

–On se retrouve au Balto ? Vingt heures ?

–Parfait mec, à toute !

Ca c’était il y a deux ans. En novembre je crois, ou début décembre, je sais plus très bien. Vincent m’avait parlé d’une soirée à laquelle il voulait aller, un truc gay dans une boite, où devaient se produire des célébrités, une chanteuse trans américaine hyper connue et des acteurs pornos qui devaient y faire un show. Acceptant le challenge un soir autour d’un verre avec les potes, Lionel, jeanne et Martina, je lui avais dit que j’irais avec lui. Je suis déjà allé dans des boites gays, ça ne me dérange pas du tout, mais là, cette soirée me faisait un peu flipper. Je savais pas trop pourquoi, certainement le côté fetish pour lequel j’avais une appréhension, sachant que pour couronner le tout, Vincent voulait me looker. Quoi qu’il en soit, j’aime faire de nouvelles expériences, alors je lui avais dit oui, et j’allais le faire.

Rendez-vous donc au Balto à vingt heures. Lionel est là, comme quasiment tous les soirs, Jeanne est avec lui, Mickael et Martina aussi. Ils sont assis avec Jérôme, un pote de Martina. Il fait je ne sais plus quoi dans la mode, il bosse sur les défilés, il connaît plein de monde, dans un milieu très snob. Jérôme et Vincent ont eu une brève histoire il y a quelques deux ans de cela. Ca n’a pas duré certainement parce qu’ils sont trop différents l’un de l’autre. Vincent aime les choses simples, il a son franc parler, et déteste tout ce qui peut être mondain. Jérôme est toujours à parler des dernières tendances, du dernier défilé de tel créateur, se moquant facilement de ceux qui ne suivent pas les préceptes du jour en matière de tenue vestimentaire, Vincent, lui, se fout de tout ça, il aime se saper, a un bon style mais c’est le sien, il n’est pas dicté par des magazines ou les vitrines des boutiques. On est semblables, on porte la mode de la rue, on marche au coup de cœur, et ce qu’on achète dans ces cas-là est irréfléchi. Je me souviens d’un type un jour que j’ai entendu dire dans une conversation, ah non je ne peux pas acheter ça, ça ne fait pas partie de mon code vestimentaire, et encore moins de ma palette de couleurs ! J’ai tiqué, j’i trouvé ça ridicule. Moi j’achète ce qui me plait, et le mixe avec ce qui me fait envie, peu importent les couleurs, et le style. C’est moi.

Quoi qu’il en soit, Jérôme n’est pas une mauvaise personne, il est même assez drôle et j’ai passé de bonnes soirées en sa compagnie, mais ce sera jamais mon pote. Lionel est en grande discussion avec un de ses employés qui boit une bière avec lui, Jeanne est attablée avec Martina et Mickael, je les embrasse.

C’est un souvenir marquant, le temps où l’on pouvait embrasser ses amis. C’est un tout petit rien, mais aujourd’hui, ça me fait un drôle d’effet lorsque je regarde un film ou une série, et que je vois des gens se claquer la bise. C’était tellement naturel qu’on n’y faisait pas attention. La moindre personne qu’on rencontrait, on lui faisait une bise. Se serrer la main aussi était d’une banalité totale. Aujourd’hui, lorsque je rencontre quelqu’un au boulot, je dis bonjour, je me penche légèrement en avant comme pour saluer à la japonaise, mais je garde mes bras le long de mon corps. Il ne me vient même plus à l’idée que je pourrais avancer ma main pour serrer celle de la personne en face de moi.


–Comment ça va Josh ?

–Bien, Vincent n’est pas encore arrivé ?

–Non il n’est pas là. Mais oui ! C’est ce soir que vous avez votre sortie ensemble ?

–Yep. Vous buvez quoi ?

–Jérôme a commandé une bouteille de Tariquet.

–Demande un verre au comptoir et sers t’en. Il est bien frais, me propose Jérôme.

Je me dirige vers le comptoir, claque la bise à Yann le serveur, prends un verre et passe à côté de Lionel en grande discussion. A lui aussi je claque la bise et le laisse continuer à parler et rejoins les autres sur la terrasse. Martina porte une capeline gris foncé qui lui donne une allure de femme fatale. Elle est déconnectée des autres filles aux allures beaucoup plus simples, mais cela lui donne un charme fou. Et puis Martina peut porter tout ce qu’elle veut, elle est toujours sublime parce qu’elle est simple et ne se prend jamais au séreux. C’est une fille solaire, drôle et simple même lorsqu’elle semble revenir des courses d’Ascot. Je m’installe à table avec eux, nous trinquons. Il fait frais mais on est bien. Vincent arrive, tout excité.

–Alors, prêt ?

–Moui, dis-je.

–Vous y allez à quelle heure demande Martina.

–Vers vingt trois heures, vingt trois heures trente, il faut y être avant minuit pour profiter de mes pass gratuits, et puis il risque d’y avoir à balle de monde.

–Vous venez dîner avec nous alors ? On a prévu d’aller manger des pizzas chez Antonio.

–Ok pour moi, si ça te va Vincent.

–Oui, super. On passera rapido chez moi se changer avant d’aller à la soirée après les pizzas.

–Parfait répond Martina.

–C’est quoi cette soirée ? demande Jérôme.

–La XX Factory, lui répond Vincent.

Jérôme fait une moue, il est évident que ce genre de soirée n’est pas son truc, ce qu’il confirme.

–Tu veux pas y aller avec eux ? Demande Martina, moqueuse.

–Ah non. C’est pas mon genre du tout.

–Oh tu serais mignon en full latex, j’aimerais bien voir ça, répond-elle.

Il lui sourit amusé.

–Voilà une chose que tu ne risques pas de voir de si tôt.

–Vous vous habillez comment pour y aller, demande Martina.

–Moi, justement, en full latex. Mais j’ai prévu quelque chose de plus simple pour Josh.

–Fais des photos. Oh ça fait chier que les filles ne puissent pas aller à ce genre de soirée. J’aurais tellement aimé vous voir.

–Oh je suis certain que tu y serais à ton aise, rétorque Vincent.

–A donf ! Je me verrais tellement bien en maitresse en latex avec des talons de quinze centimètres.

–C’est vrai, dis-je, pourquoi les filles peuvent pas y aller ?

–Tu te vois baiser dans la backroom avec des filles qui passent ? Me dit Vincent.

–Heu, je ne me vois pas baiser dans la backroom. J’y vais pas pour ça moi. Attends, je t’accompagne pour m’amuser, danser, mais attention, tu restes avec moi !

–Ouais, ouais.

–Je vais commencer à stresser. Martina, je veux plus y aller !!

–Mais non Josh, ça va être une bonne expérience, tu vas t’amuser. Et qui sait, si ça se trouve tu vas finir la nuit avec un mec ! Dit-elle en se marrant.

A mon tour de faire une moue. Il faut que je me détende. J’ai envie d’aller m’amuser et de voir ce genre de soirée, mais bon…

Sur ce, Lionel vient nous rejoindre.

–Bon on va les bouffer ces pizzas ?

–Let’s go dit Jeanne, je meurs de faim.


Le ventre plein, je me retrouve chez Vincent à essayer les tenues qu’il a préparées pour moi.

–Non, je vais pas mettre un harnais en cuir !

–Mais oui, regarde comme ça fait bien ressortir tes pectoraux !

Vincent, je me sens pas à l’aise avec ça.

–Tiens, essaie cette combi.

Il me passe une combinaison-short de lutteur en lycra hyper moulante, et échancrée.

–Tu portes ça avec juste tes baskets, ce sera super sexy.

–Je peux mettre une veste par-dessus ?

–Oui, mais au bout de dix minutes tu auras envie de l’enlever parce qu’il fera trop chaud.

Vincent a enfilé une combinaison en latex avec un zip qui passe du devant au derrière, et a mis par-dessus un harnais et un collier de chien.

–Tu vas sortir comme ça dans la rue ?

–Je mets mon manteau par-dessus, comme ça, coucou la voilà !

–Je le regarde, sceptique et amusé. Il a néanmoins une super allure.

–Alors, tu mets quoi ? Il va falloir y aller.


Devant la boite il y a une file d’au moins cinquante personnes. Que des mecs. Beaucoup d’entre eux sont lookés, mais pas tous, ce qui me fait dire que j’aurais très bien pu venir avec mes propres vêtements, et me sentir plus à l’aise. On attend environ vingt minutes avant d’arriver à la porte d’entrée où un videur à l’allure de nounours mais pailleté nous accueille avec un grand sourire. Je suis gêné par le harnais qui me sangle le torse, et oui, je me suis laissé avoir par Vincent. J’ai pu garder mon jean mais je n’ai rien d’autre sous mon blouson que je vais devoir laisser au vestiaire dès que nous serons entrés. Vincent fait voir ses pass qu’il a eus par un pote qui organise la soirée, on nous donne des tickets pour acheter des boissons, nous n’avons rien à payer, sauf le vestiaire. Vincent achète au caissier qui ne porte qu’un slip ouvert sur le derrière et qui est hyper bien gaulé deux flacons de poppers, en glisse un dans sa chaussette gauche et me refile le deuxième.

–Non merci.

–Allez, vas-y prends-le, t’en auras peut-être envie plus tard.

Je prends le flacon et le glisse dans la poche arrière de mon jean. Dans l’autre j’ai mis mon paquet de clopes et mon briquet. Autour de nous des mecs se changent pour laisser leurs vêtements au vestiaire. Ils sortent toutes sortes d’accessoires vestimentaires de leurs sacs à dos dans lesquels ils fourrent leurs vêtements de ville. Certains se retrouvent carrément à poil le temps d’enfiler leurs tenues. Dans quoi me suis-je fourré ? Nous entrons dans la boite, il y a déjà pas mal de monde, la musique est bonne, les spots éclaboussent de leurs couleurs la piste de danse sur laquelle il y a déjà quelques mecs qui se trémoussent. On prend une bière au bar. Je m’assois sur un tabouret, et commence à siroter en regardant les gens autour de moi. Il y a des mecs en cuir, cul à l’air, des mecs en short à paillettes, une drag, ce qui me rassure, vas donc savoir pour quelle raison, l’allure d’une femme me rassure peut-être. Je me détends en voyant que l’ambiance est bonne. Vincent croise un mec qu’il connaît et lui fait la bise. Il me le présente, je me sens un peu mal à l’aise torse nu, mais il fait chaud. Je bois. Vincent finit sa bière avant moi et en demande une autre à l’un des serveurs au torse huilé.

–On danse ?

–Ok.

Techno soft un peu Dance, je commence à danser en essayant de me décontracter sans trop regarder ceux qui sont autour de moi. Le rythme scandé entre en moi, je me sens mieux, sur la piste de danse au moins je risque pas trop de me faire draguer. Je ferme les yeux, et me laisse porter par le beat. Lorsque je les rouvre Vincent est en train de rouler une pelle à un mec. Surpris, mais en fin de compte pas tant que ça connaissant mon pote, je souris, et me tourne continuant à danser. Un mec danse devant moi, il me sourit, je lui retourne le sourire et me tourne d’un quart pour continuer à danser. Il y a de plus en plus de monde au bar et je devine des allers retours dans les coursives qui mènent à des couloirs qui vont je ne sais où. Je regarde autour de moi, Vincent a disparu. Le mec qui m’a souri s’est rapproché de moi, et danse maintenant à quelques centimètres, torse nu lui aussi. Il me prend par la taille et nous dansons ainsi quelques minutes, puis je m’esquive pour retourner au bar où je suppose que Vincent est retourné. Je me faufile dans la foule et m’approche du bar où je commande un gin tonic. Je le sirote tranquillement en me demandant où est passé Vincent. A côté de moi, deux mecs s’embrassent. Je décide alors de faire un tour de coursive et d’emprunter un des couloirs pour voir où ils mènent. Il y a du monde de partout. Sur la gauche du premier couloir j’aperçois une pièce vitrée enfumée, je comprends que c’est là que les mecs vont pour cloper. Je sors mon paquet de cigarettes de la poche arrière de mon jean et pousse la porte. Il doit y avoir une quinzaine de mecs qui clopent, certains discutent, je m’assois sur un tabouret et allume ma clope. Ca drague. C’est évident. Je regarde dans le vide, et inhale ma fumée. Un mec en short vient s’asseoir à côté de moi et me demande si je peux lui filer une clope. Je lui tends mon paquet, il se sert, je l’allume. Il engage la conversation disant que c’est cool qu’il y a plein de monde. Puis je ressors du fumoir et avance dans le couloir duquel d’autres passages partent vers des coins plus sombres où plein de mecs sont agglutinés. Je continue et arrive à un autre comptoir. Quelques mecs boivent assis sur des tabourets, je contourne le bar et me retrouve aux chiottes. C’est bon de savoir où ils se trouvent. Des mecs entrent et sortent. D’autres semblent s’y attarder. Mais où a bien pu passer Vincent. Je retourne au bar où nous étions, cherche du regard. Pas de Vincent. Un mec me tape sur l ‘épaule, je me retourne, c’est un des tatoueurs du salon de Lionel. Il me dit être surpris de me voir là mais il est content, je lui rétorque que je suis venu avec Vincent. Sur ce Vincent arrive.

–Bah t’étais où ? T’es sensé rester près de moi.

–J’étais avec un mec, on a passé un moment ensemble dans la backroom.

–Incorrigible !

–Ca va toi ? Tu t’amuses ?

–Oui ça va, je suis allé au fumoir, j’ai fait un tour, j’ai découvert qu’il y avait un autre bar, où il y a moins de monde. Si tu me perds à nouveau, je serai certainement là-bas.

–On retourne danser ?

–Ok.

Nous voilà de nouveau sur la piste de danse, la musique est plus hypnotisante tout comme les jeux de lumières. L’alcool m’a un peu libéré, je danse en étant moins soucieux.

Un peu plus tard, le monde s’est agglutiné autour de la piste de danse où la chanteuse trans commence son show. J’aurais bien aimé la voir, mais il y a trop de monde, moi qui n’ai jamais aimé la foule, ce ne sera pas possible de m’aventurer au travers des danseurs excités qui tentent de voir le spectacle. J’essaie d’apercevoir quelque chose depuis le bar, mais n’y réussissant pas, je retourne au deuxième bar où je reprends un gin tonic. J’y reste un moment, puis je regarde ma montre, il est trois heures et demie, je me mets alors en recherche de mon pote au travers des couloirs. L’ambiance entre les mecs est très chaude, beaucoup s’embrassent, d’autres sont carrément dans des actions plus engagées. Je contourne des groupes, avance dans les méandres et trouve mon Vincent occupé… avec deux mecs. Quelle salope ! Bon, je décide de remonter au vestiaire et de repartir, à ce stade, il ne pense certainement plus à moi et il est temps que je rentre me coucher. A ce moment-là, je sens une main sur ma nuque, je me retourne, un mec m’embrasse. Je suis un peu étourdi par l’alcool et les effluves de poppers environnantes. Je me laisse faire, et me retrouve pantalon baissé, le mec à mes genoux.

Lorsque je réussis à sortir de la boite il est quatre heures passées, je suis claqué, mais détendu. Je hèle un taxi qui s’arrête devant moi et rentre enfin à ma maison.

Quelle soirée !


La boite a fermé depuis maintenant près de quatorze mois. Je ne sais pas si elle rouvrira un jour. Je ne sais pas quand ces lieux festifs pourront rouvrir. Quand ces soirées où le monde peut se cotoyer et s’agglutiner dans un lieu clos pourront de nouveau avoir lieu. Je n’ai jamais été trop branché par les boites et leur ambiance, mais au moins, j’aurai eu une expérience particulière ce soir-là.

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