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  • christophe Garro

La vie d'avant. Chapitre III :

Il y a un an tout juste notre gouvernement prenait une résolution sans précédent dans notre histoire moderne. Il décidait de confiner la population entière pour une durée d’un mois qui serait renouvelée pour faire face à un virus qui se déployait à grande vitesse à travers le monde et faisait des milliers de victimes. Il y a un an et une semaine, je revenais de Rome, où j’avais passé quelques jours superbes, fait de belles rencontres, avant de m’enfermer dans mon appartement, seul. Je n’avais pas eu la chance de pouvoir fuir Paris comme certains l’ont fait, rejoignant une maison de campagne pour passer cette crise sans précédent. Du jour au lendemain tout avait fermé, restaurants, bars, écoles, boutiques, cinémas. Et il en a été de même dans la plupart des pays du monde, arrêtant une bonne partie de l’économie de la planète, plongeant les grandes villes dans un silence angoissant. C’était il y a un an. Pile. On croyait naïvement qu’au bout d’un mois ou deux on serait sortis de cette crise… Hier soir notre Premier Ministre a de nouveau annoncé le confinement de Paris et sa région pour une nouvelle durée d’un mois. Le troisième confinement depuis le début de la crise. Cette fois-ci j’ai pu m’échapper, fuir la ville désertée et devenue insupportable. Je me suis enfui chez mes parents, en Provence. Là où pour l’instant, la population n’est pas immobilisée. Là où je pourrai sortir me promener dans la forêt, marcher, faire du VTT. Me sentir un peu plus libre.


3 : mars 2020 : Arrivée à Rome


Je m’étais demandé toute la semaine si j’allais partir ou pas. Depuis quinze jours les infos étaient bloquées sur le virus chinois qui se nomme désormais Coronavirus. Il touchait désormais toute l’Europe et l’ensemble des pays du monde. L’Italie était le pays le plus touché, -Ah tiens, bonne idée de partir en vacances à Rome !- mais c’est en Lombardie que l’hécatombe a commencé. Les défilés de la Fashion Week milanaise ont été annulés, peu à peu tout a fermé dans le nord du pays, les écoles, les universités, maintenant les restaurants et cinémas. C’était assez stressant, mais à ce moment là, nous n’étions pas vraiment impactés en France. Cependant, c’était la plaisanterie favorite de mes collègues qui dès qu’ils entendaient quelqu’un tousser quelqu’un criaient « Corona !», je trouvais cela stupide. Et oui, un virus qui a le nom d’une bière, ça paraît un bon canular. Mais bon, la ministre de la santé était sereine, tout allait bien chez nous. A Rome tout allait bien aussi, il n’y avait pas de cas répertorié, ce qui était assez incroyable à la vue des restrictions qui avaient été prises dans le nord. Le virus ne circule pas avec les voyageurs ? Milan venait d’être mise en quarantaine, en une journée, les habitants s’étaient sont rués vers les gares pour quitter la ville, les images étaient impressionnantes. Que faire alors ? Les autorités disaient qu’il n’y a pas de danger à voyager, alors j’ai décidé de partir.

Flashback :

Je n’avais jamais vu l’aéroport de Roissy aussi vide. Nous ne sommes que quarante dans l’avion, mais l’hôtesse me rassure, c’est le meilleur moment pour partir à Rome. Il y aura peu de touristes, le temps prévu est magnifique, ce sera un vrai bonheur. A l’arrivée à l’aéroport Leonardo Da Vinci, notre température corporelle est testée par une caméra infrarouge. Rien à signaler. Je prends un train qui m’amène Trastevere sur les bords du Tibre. Il y a peu de monde dans ce train de banlieue. Le ciel est d’un bleu limpide, ce qui fait un bien fou, Paris étant toujours dans la grisaille. L’appartement que j’ai loué est simple mais typiquement romain, avec un petit balcon donnant sur les toits de la ville. Le mec qui me le loue me reçoit portant un masque chirurgical, il me dit qu’il fait attention car il est asthmatique. Bref, il me file les clefs, m’indique un petit supermarché à côté et me montre comment fonctionne le hammam de sa salle de bains. Comme j’ai faim et qu’il est près de treize heures, je sors arpenter les ruelles et trouve rapidement une pizzeria avec une terrasse ensoleillée. Le spot idéal pour déjeuner. Je chausse mes lunettes de soleil et passe ma commande à la ragazza. Un spritz est obligatoire, la pizza, simple, fine et croustillante est un régal. Je me laisse tenter par un tiramisu qui s’avère être le meilleur que j’ai jamais mangé, servi sur un café chaud. Puis je déambule dans les rues, me dirigeant nonchalamment vers la fontaine de Trevi, où en effet, il n’y a que très peu de monde, je vais vers le Panthéon où je me souviens d’avoir aimé prendre un ristretto sur la place. Il y a un peu plus de monde, mais je trouve sans problème une table au soleil face à l’édifice antique visité par les quelques touristes. Le reste de l’après-midi s’étire lentement entre promenade, lèche-vitrines, jusqu’à la Trinité-des-Monts.


En fin de journée, j’envoie un SMS à Paola, l’amie de Lilia qui me donne rendez-vous dans un bar sur l’autre rive. C’est un quartier jeune, populaire, que je ne connaissais pas. J’ai le temps de repasser à l’appart me changer, prendre une douche, le hammam sera pour demain, et je me dirige vers le Tibre avec l’aide me Google.

Des boutiques de fripes, des bars et des restaus se succèdent. Celui où je la retrouve est à l’angle d’une place, et la formule est très sympa. Tu paies ton verre quinze euros, le deuxième sera à moitié prix et tu as accès à volonté à un comptoir d’antipasti hallucinant. On peut facilement dîner pour pas cher dans ce bar. Un régal : des petites mozzas fumées, de la bonne charcuterie, des légumes grillés, du poulpe, des parts de pizze, des foccacie…

Paola travaille à la mairie de Rome, aux affaires culturelles. C’est une jolie brune d’un mètre soixante dix à vue de nez, la trentaine, elle porte une robe rétro bleue, un manteau léger car il ne fait pas froid en ce soir de début de mars. Ses cheveux sont ondulés, soyeux. Elle est assise à une table lorsque j’arrive, une cigarette à la main, son sac Valextra posé sur la chaise qui m’est destinée. Elle me fait signe de la rejoindre, je lui ai dit que je porterais une casquette rouge, elle m’a repéré directement.

–Josh ? Ciao !

–Paola, piaccere.

–je parle français. Et anglais, c’est comme tu préfères.

–Français alors, mon italien est très scolaire, je le regrette, j’aimerais parler mieux mais je n’ai pas souvent l’occasion de pratiquer. Magari, qualche parole.

–Tu es à Rome pour combien de jours ?

–Jusqu’à lundi.

–Tu es déjà venu ?

–Oui, il y a maintenant quelques années, tu vas trouver ça normal, et banal, mais j’avais adoré la ville, et j’avais très envie d’y revenir depuis.

–Tu n’as pas eu peur de venir en Italie ? Avec ce Coronavirus...

–Non, je suis un aventurier. Elle sourit, elle est jolie. C’est vrai qu’il semble y avoir peu de touristes.

–C’est la première fois de ma vie que je vois la ville aussi vide. D’un sens ça fait du bien, on se réapproprie notre cité. Tu vas te régaler à arpenter les rues. Tu as prévu des visites ?

–Oui, demain, je voudrais faire un tour des églises, ne ris pas, je sais il y en a trop, mais j’ai une liste de quelques unes qui recèlent des trésors que je veux découvrir, je n’ai jamais vu le Moïse de Michelange ! Samedi j’ai mon billet pour visiter le Vatican. J’ai pris un guide. Je vais aussi essayer d’aller à la galleria Colonna, et si cela est possible, la Villa Medici.

–Matteo Giorgione. Je l’ai prévenu de ton arrivée, il attend ton coup de fil. Appelle-le de ma part demain, il te recevra avec plaisir. Tu verras il est très sympa. Et bel’uomo anche. Elle fait signe au serveur. Tu préfères un Spritz ou du vin ? Moi je rends du vin, ils ont un très bon Montepulciano.

–Va pour le Montepulciano.

–Una bottiglia per favore. On n’est pas pressés ?

J’acquiesce. Elle me sourit, son regard est malicieux.

–Tu habites dans quel quartier ?

–Oh pas loin d’ici. C’est mon quartier. J’habite ici depuis mon arrivée à Rome il y a sept ans. Je suis venue pour mes études, je partageais un appartement avec une copine, puis quand j’ai pu prendre mon propre appartement, j’ai voulu rester Trastevere, je me sens chez moi ici.

Son accent lorsqu’elle parle français est ravissant. Elle me fait penser à Monica Bellucci.

–Je ne connaissais pas. C’est sympa, vivant. Jeune.

–C’était le quartier populaire avant, maintenant, c’est devenu, comment vous dites ? Bobo ?

–Oui.

–Mais quand même ça reste un lieu festif, simple.

–Oui, pas comme certains quartiers de Paris qui sont devenus snobs à cause des trentenaires friqués.

–Toi, tu n’as pas de fric ?

–Juste assez pour vivre correctement et ne pas être dédaigneux.

Elle sourit, et se recule dans sa chaise. Elle me regarde, toujours avec sa malice. Le serveur revient avec la bouteille, lui fait goûter le vin, puis rempli les deux verres.

–Va te servir des antipasti au comptoir. Tu vas voir, c’est un régal, j’irai après toi.

Je me lève donc et me dirige à l’intérieur du bar où se trouve le fameux comptoir. Je remplis une assiette de divers amuse-gueules, tous plus appétissants les uns que les autres, je commence à avoir faim. J’en prends suffisamment pour que nous puissions les déguster ensemble. Elle fume une deuxième cigarette lorsque je la rejoins, j’en prends une dans la poche de ma veste, et l’accompagne, goûtant le vin qui est délicieux.

–C’est étonnant comme nom Josh pour un français. Tu as un parent anglais ?

–Mon père est américain. J’ai grandi à Paris, puis j’ai vécu dix ans à New York avant de revenir en France.

–Ah New York, je n’y suis allée qu’une seule fois, c’est tellement incroyable. Tellement différent d’ici. Surtout pour quelqu’un qui a grandi dans un village.

–Tu es originaire d’où ?

–Un petit village du Piémont que personne ne connaît sauf si tu es amateur d’amaretti, car c’est là que les biscuits originaux sont fabriqués.

–Et quel est le nom de ce lieu ?

–Mombaruzzo.

–C’est chantant. Ca se trouve où ?

–Entre Gênes et Milan, près de la ville de Asti. C’est un petit village sur le sommet d’une colline, entouré de vignes sur toutes les pentes. C’est très joli, les clochers des églises se découpent sur le ciel en haut de la colline, et depuis le tertre on surplombe la vallée et ses quarante villages. Quand j’étais enfant je m’y plaisais, je ne connaissais rien d’autre. Je jouais dans les rues, dans les bois où on faisait des cabanes avec mes copines, la nuit il y avait plein de lucioles, on partait leur courir après, c’était comme un conte de fées, tu sais quand la magie tombe sur la princesse. On était libres, il n’y avait pas de danger. On allait dans les fermes chercher les œufs, caresser les bœufs, traire les vaches, puis adolescente, je ne supportais plus de voir toujours les mêmes vieux assis le soir sur les bancs au bord des rues, les seules boutiques du village mis à part la boulangerie, la boucherie et la fabrique de biscuits, étaient le bar où on ne trouvait que des vieux paysans qui venaient boire leur propre vin après leur journée de labeur, et le bazar de Yola.

–Un bazar ?

–Oui, une petite boutique qui vendait un peu de tout, et qui était tenue par une femme de paysan et sa fille Anna. Je passais beaucoup de temps dans cette boutique, Yola m’a appris à coudre, à tricoter. Elle me gardait mes Barbie, c’était un peu une deuxième maison, c’était une femme très douce.

–Mon grand-père avait un bazar comme ça je crois, c’était en Provence. J’y allais l’été en vacances. J’adorais ce magasin. Et tes parents ?

–J’ai perdu ma mère quand j’avais six ans.

–Je suis désolé.

–Et mon père, devine ? Mon père avait la fabrique d’amaretti. Les meilleurs du monde. Les Amaretti Moriondo !

–Je ne sais pas si j’en ai déjà mangé.

–J’en pouvais plus des amaretti. Mais maintenant je suis toujours contente quand je reçois en colis postal une boite rectangulaire. C’est ma madeleine de Proust ! Alors à seize ans, je profitais d’aller à Milan faire les livraisons avec mon père, je le laissais faire sa tournée et moi, j’allais dans les boutiques, je visitais les musées. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de faire de l’histoire de l’art. D’abord à Milan, après ma maturità au lycée de la ville d’Alessandria, le bac c’est ça ?

–Oui, en France c’est le baccalaureat.

–Et voilà, après je suis venue à Rome, puis je suis entrée à la Mairie, et voilà. Mais je parle, je parle, et toi ? Parle-moi de toi.

Je parle donc de moi, de mon enfance, de ma vie, pendant qu’elle picore dans mon assiette. On boit une deuxième bouteille, fume quelques cigarettes, la terrasse s’est remplie, on se ressert des assiettes, on discute de son travail, du mien, de Lilia qu’elle ne connaît que peu, mais qu’elle avait appréciée, puis elle me propose de marcher un peu, car elle commence à être un peu pompette. On se lève, je règle l’addition, et on arpente les ruelles d’abord pleine de monde, de jeunes étudiants qui boivent des bières et dansent sur une place, puis plus calmes avec des gens attablés ou déambulant, jusqu’à ce qu’on se retrouve seuls au pied d’un immeuble ancien, dans le noir d’une impasse.

–J’habite ici.

Je sens l’opportunité, elle n’a pas l’air d’avoir envie de me quitter. Je lui souris, elle s’adosse à la lourde porte en bois. Je m’approche d’elle, son visage est accueillant, je pose mes lèvres sur les siennes, sa bouche s’entrouvre et accueille mon baiser. Celui-ci est sensuel, je la sens s’abandonner, glisser contre mon corps. Elle me regarde, passe un doigt sur sa bouche en souriant, incertaine de la bienvenue de ce qu’elle va dire. Elle sourit. Puis relève ses yeux vers mon visage.

–J’ai envie de toi. J’ai envie de faire l’amour avec toi. Je lui souris à mon tour. Mais ce ne sera que du sexe reprend-t-elle. Elle attend ma réaction.

–Ok. Ma réponse est on ne peut plus courte ce qui la déconcerte un tant soit peu. Elle hésite puis reprend.

–On baise mais après, je préfère dormir seule.

Surpris par cette proposition pas si courante de la part d’une femme, je lui souris et lui redonne un simple : Ok.

–J’ai envie de me donner à toi. Que tu me possèdes. Elle m’embrasse à son tour, glissant sa main entre mes cuisses et me dit : Viens.

Elle appuie sur un bouton, et la porte s’ouvre sur une cour aux silhouettes noires de palmiers en pots. On monte un escalier extérieur et au premier étage, se trouve l’appartement qu’elle ouvre. Elle n’allume pas les lumières, laisse choir son manteau qui tombait déjà sur ses épaules, et me guide de sa main vers la chambre à coucher. Là sur un grand lit blanc, elle s’assoit après avoir rapidement laissé tomber sa robe. Dans la pénombre son corps se découpe sur le drap blanc, elle ne porte plus qu’une culotte de dentelle et un soutien gorge qu’elle défait et jette au sol. Elle me regarde avec envie, je laisse tomber ma veste, enlève ma chemise, défait les boutons de mon jean. Elle me tend la main, je la rejoins sur le lit et on s’embrasse. Je caresse ses seins dont les pointes sont dures, glisse mes mains sur ses hanches, elle prend mon sexe et le dirige vers le sien. Elle est chaude, tendre, nous faisons l’amour avec fougue et délicatesse, et après avoir joui, quelques minutes après, alors qu’elle est alanguie sur le bord du lit, je me lève et ramasse mes affaires.

–Grazzie, me dit-elle. Ci rivediamo, avant que tu repartes. Tu me diras comment se sera passé ton rendez-vous avec Matteo.

–Ciao.

Je sors dans la nuit claire. Google m’aide à retrouver mon chemin jusqu’à mon appart, je m’endors directement, jusqu’à onze heures. (à suivre...)

©christophegarro.

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